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Gloria Romanello

Faire du dessin en art contemporain est un travail ardu. Lois complexes, rituels sacrés, liens permanents. Pour trouver sa place et son identité légitime, le dessin est obligé d’engager une lutte, au moins un discours direct, avec les enjeux de la réalité, terrain sur lequel se jouent les principaux défis de ce moyen artistique aujourd’hui. Lorraine Alexandre s’engage et prend part à ce discours avec des argumentations graphiques à la fois violentes et raffinées : ces dessins taillent un terrain en prospection qui n’a pas encore trouvé une définition.

 

La photographie rend permanent et donc universel le geste performatif, dont les conséquences décrites par Lorraine Alexandre nous ramènent immédiatement aux œuvres de Joan Fontcuberta et  Michel Journiac. Mais, ce geste est provoqué par le dessin à la main sur des peaux humaines. C’est bien là qu’on trouve l’origine sémantique du travail artistique de Lorraine Alexandre, pour sa charge de signifiés attribués aux signes par des automatismes culturels, ainsi que la base sémiotique de son langage visuel, où ces mêmes signes graphiques deviennent indices et symptômes des objets signifiés. À travers le dessin à l’encre de Chine, l’image évolue et devient langage et voix narrative, les corps en sont le support, ainsi que la matérialisation du langage, le poids du vivant.

 

C’est là que l’on commence à entrer en contact direct, physique, avec le dessin contemporain, et sa puissance transformatrice. Cette puissance est capable de conditionner l’interprétation des sujets qui apparaissent dans les images photographiques finales en argentique : l’observateur s’interroge sur les sujets de la performance sans pourtant parvenir à une solution unitaire. Transparences, mélanges, identités occasionnelles. Le dessin de Lorraine Alexandre est démiurge, il ne se targue pas d’être un instrument médiateur, au contraire, il s’impose en tant qu’acte légitime, profond dans sa volonté de déclarer sa propre identité. Il ne se cache pas, il ne cherche pas à être autre chose, il ne se définit pas en relation aux autres moyens expressifs employés par l’auteure, la performance, la photographie, le rapport étant nettement dominant à la faveur du dessin même, léger et dense, discret mais décisif. L’équilibre est pourtant parfait, l’artiste maîtrise l’exploration intellectuelle de ses sujets à travers la maîtrise des moyens techniques et des déclarations poétiques.

 

Décrits par le biais d’un trait inachevé, fils d’un pinceau qui se fait crayon, les dessins-gestes de Lorraine Alexandre nous rappellent la rareté des signes originels et le caractère éphémère de la capacité argumentative humaine, pour laquelle les signes ne sont qu’instruments visuels d’un code graphique auquel nous sommes tous soumis.

 

Il s’agit alors d’imaginer une exposition qui, telle une cartographie des gestes et de traits irrigués, nous transporte à travers des faux portraits dessinés à l’encre et à l’argent, qui construisent, trait par trait, une identité narrée et réelle à la fois.

Gloria Romanello, présentation : lames.cnrs.fr​​

Présentation en anglais

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