Lorraine Alexandre
Carnet des Voyages dans le temps, n°32 :
Si je voyageais dans le temps, j’aimerais… rêver debout à rebours avec Jean Cocteau.
C’est un rêve en mouvement, un somnambule qui voyage dans le temps à rebours. « Excusez-moi professeur, j’ai une très mauvaise mémoire de l’avenir », dit-il. Perdu dans l’espace-temps, traversant des miroirs qui, décidemment, « réfléchissent trop », Cocteau nous entraîne dans un univers tellement unique qu’il en devient symptomatique et exemplaire. Par manque de familiarité, il émerge du plus profond de nous-même l’univers inversé d’un rêve qui serait à l’origine du sommeil. Le rêve appelle le sommeil pour que nous puissions nous retrouver tels qu’en nous-mêmes, retrouver les traces du langage interne là où dorment les images qui préexistent à notre pensée, l’œuvre qui nous préexiste, nous autres artistes devons devenir somnambules pour accéder à notre propre matière première, l’autoportrait enfermé en nous-mêmes, le fantôme à notre poursuite qui parfois affleure et éclos dans les formes que nous lui donnons. Et nous traversons des mondes, des temps, nous nous mêlons de tout, mais revenons toujours là, en interne. L’art, c’est l’esprit de contradiction : vouloir parler du monde et toujours traverser le miroir de notre propre Psychée. Le somnambule marche à rebours, c’est grâce au réveil qu’il dort.
Carnet des Voyages dans le temps n°9 :
Si je voyageais dans le temps, j’aimerais… chevaucher un tricératops bouclier.
J’avais déjà un chien, mais je voulais un tricératops de compagnie, mon dinosaure préféré. Si le tricératops existait encore, il n’entrerait pas dans le salon m’explique mon père. J’ai 5 ans et je comprends le concept d’extinction des espèces, alors je rêve : quand je serai grande, je serai paléontologue pour rencontrer des tricératops même fossiles. Mais à 36 ans, je suis artiste et je me dessine un tricératops de manège à chevaucher pour de faux parce que mes jambes ne sont pas assez grandes pour respecter les formats. C’est mieux ainsi, il est des amitiés qui pourraient mal tourner si elles se confrontaient au principe de réalité. Je veux que le tricératops reste mon dinosaure préféré.
Carnet des Voyages dans le temps n°34 :
Si je voyageais dans le temps, j’aimerais… embrasser la monstruosité de Jean Marais.
Tu es beau Jean, mais pas comme un ange. Tu es beau avec un regard d’acier, un œil aigu, qui perce, qui fait mal. Tu es blond, mais pas comme un ange. Tu es séducteur, mais ça peut mal tourner. Tu n’es pas doux. Tu es beau comme Lucifer avant la chute, ou juste après. Ta séduction fait peur. Tu es beau comme la tentation qui annonce son prix. Tu es beau comme une chute, le désir irrépressible de faire une erreur juste par goût de l’esthétique, pour voir l’autre côté d’un miroir, jouer avec un rêve et en sortir. Tu es beau comme un fantasme quand on s’y brûle et qu’il est toujours temps d’en sortir.
J’ai 6 ans Jean et tu es le plus beau des hommes, d’autant plus que tu es déjà d’un autre âge, inaccessible. Tu es trop loin devant…
J’ai 39 ans Jean et tu es trop derrière maintenant, toujours beau dans ta monstruosité poétique.
Les voyages dans le temps
Depuis 2017
Autoportrait
Photographie performative : photographie argentique en noir et blanc, dessins et textes sur papier.
Formats et présentations variables.
Série en cours, 52 voyages réalisés à cette heure.
Les carnets des Voyages dans le temps
Depuis 2020
Textes, présentations variables.